The Substance avec Demi Moore sur Canal+ ce mercredi 14 mai (vidéo)

Demi Moore dans The Substance : un manifeste féministe sous forme d’horreur corporelle
Un retour fracassant et symbolique
Avec The Substance, Demi Moore ne signe pas simplement un retour au cinéma : elle bouleverse les codes de représentation des actrices de plus de 50 ans à Hollywood. Réalisé par Coralie Fargeat et récompensé du Prix du scénario au Festival de Cannes, ce film d’horreur corporelle se mue en charge virulente contre l’obsession sociale de la jeunesse éternelle.
Le corps féminin en obsolescence programmée
Moore incarne Elisabeth Sparkle, ancienne star de téléfitness, brutalement écartée d’une industrie qui la juge "trop vieille". L’apparition de Sue – son double rajeuni, synthétisé par une substance mystérieuse – dévoile un mécanisme de duplicité cruel : la société encense la jeunesse tout en rejetant ce qu’elle considère comme périmé. Une thématique au cœur de la déclaration percutante de l’actrice aux derniers Golden Globes :
"Quand on pense qu'on n'est pas assez intelligent, pas assez mince ou pas assez accompli, sachez ceci : vous ne serez jamais assez."
Le body horror comme outil politique
Dans la lignée de Crash de Cronenberg, The Thing de Carpenter ou Titane de Julia Ducournau, Fargeat utilise les codes du body horror pour explorer la fragmentation identitaire et la modification corporelle. Le film pousse à l’extrême notre obsession pour le "corps parfait", nourrie par les technologies, la chirurgie et les diktats esthétiques. Cette esthétique du dérangement devient un outil politique, dénonçant les violences symboliques imposées aux femmes et l’absurdité d’un système qui les pousse à s’altérer pour exister.
Une métaphore implacable de l’aliénation
Le long-métrage dissèque, avec une précision chirurgicale, les contraintes systémiques infligées aux corps féminins. La métamorphose d’Elisabeth Sparkle illustre le processus destructeur d’un monde où les femmes doivent rester jeunes, désirables et conformes à des normes irréalistes pour conserver leur légitimité. Le personnage d’Harvey (Dennis Quaid), producteur dominateur, incarne cette mentalité patriarcale : les femmes doivent séduire, ou disparaître.
Le miroir d’une époque
Dans une société où la chirurgie esthétique est banalisée et où des médicaments comme l’Ozempic – détournés de leur usage initial – sont pris pour perdre du poids rapidement, The Substance agit comme une alarme. Viv Chen, dans Vogue, résume ce paradoxe moderne :
"Plus vous passez de temps à vivre dans votre moi amélioré, plus il devient difficile de croire que votre moi naturel a le droit d'exister."
Fargeat interroge sans détour la réalité du "choix" dans ces transformations, dans une mise en scène à la fois magnétique et dérangeante.
Un plafond de verre brisé… mais à quel prix ?
Le film marque aussi une étape importante dans la représentation des femmes mûres au cinéma. Lors d’une masterclass à la Cinémathèque française, Demi Moore a évoqué le lien intime entre le rôle et son propre vécu, déclarant :
"J’ai moi-même été violente envers mon corps pour répondre à ce que je croyais être les attentes des autres."
Cette prise de parole rejoint un mouvement plus large : May December (Julianne Moore), Babygirl (Nicole Kidman), A Good Person (Diane Keaton) — autant de films qui osent mettre en lumière la complexité, la sexualité et la subjectivité des femmes de plus de 50 ans.
Une reconnaissance en demi-teinte
Pourtant, malgré son message fort et sa puissance visuelle, The Substance n’a été récompensé aux Oscars que pour le maquillage et la coiffure. Demi Moore a vu le prix de la meilleure actrice lui échapper au profit de Mikey Madison, 26 ans. Une ironie mordante, presque cynique, qui donne raison au film lui-même : même lorsqu’elles dénoncent les règles du jeu, les femmes vieillissantes restent souvent sur le banc de touche dans l’arène hollywoodienne.
The Substance bande-annonce vidéo

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