C dans l'air
Info Magazine d'information 09/12/2024 à 14h44 1h04min 14 vuesUne immense page se tourne au Moyen-Orient. Après
cinquante ans de règne sans partage du clan Assad en Syrie, le régime
est tombé. Bachar Al-Assad a pris la fuite et serait réfugié en Russie
alors que dans la capitale on assiste depuis
vingt-quatre heures à des scènes de liesse. Aux côtés des rebelles, le
peuple syrien brandit désormais le drapeau aux trois étoiles, celui de
la révolution débutée en 2011. Les lieux de pouvoir ont été pris
d’assaut par la population. Dans plusieurs villes
du pays, des bâtiments publics ont été incendiés et dans leur avancée
les rebelles ont systématiquement ouvert les portes des prisons, à Hama,
à Homs mais surtout celle de Saidnaya à proximité de Damas. Un
établissement pénitentiaire qui a abrité des milliers
d’opposants au régime, des hommes, des femmes et parfois des enfants,
condamnés à subir des traitements inhumains, des viols, des
humiliations, des privations et des exécutions. Selon l’ONG Amnesty
International, entre 2011 et 2015 environ 30 000 détenus y
sont morts.
Des exactions du régime et la guerre depuis les années 2010 qui ont
conduit plus de 6,5 millions de Syriens à l’exil. Plus de 5 millions
s’étaient réfugiés dans les pays voisins, en Turquie et au Liban, et
certains ont déjà pris la route du retour en Syrie.
Mais comment expliquer l’accélération des évènements en Syrie ces quinze
derniers jours et la chute du régime ? Qui sont les rebelles qui ont
reversé Bachar Al-Assad ? Le tombeur du régime s’appelle Abou Mohammed
Al-Joulani. Meneur du groupe armé Hayat Tahrir
al-Sham (HTS), ex-branche d'Al-Qaïda en Syrie, il s'était fixé comme
but de renverser le président Bachar al-Assad. L'air "confiant", "en
plein jour et avec un dispositif de sécurité léger", il l'annonçait même
à CNN vendredi dernier. Un objectif atteint dans
la nuit du samedi à dimanche, quand les rebelles sont entrés dans la
capitale pour proclamer "la ville de Damas libre" après quinze jours
d’une offensive fulgurante dans le pays. Que sait-on de ce chef de
guerre qui est parvenu à fédérer pour faire tomber
la dictature en quelques jours ? Quelles sont les intentions de celui
qui utilise désormais son vrai nom, Ahmed Al-Charaa, plutôt que son nom
de guerre ? Depuis sa rupture avec Al-Qaïda en 2016, il tente de lisser
son image et de présenter un visage plus modéré,
sans forcément convaincre les analystes ou les chancelleries
occidentales qui vont scruter ses agissements, alors que la manière dont
la Syrie va être gouvernée demeure très incertaine.
Hier Joe Biden a salué la chute de Bachar Al-Assad. "Il devra rendre des
comptes" a affirmé le président américain, saluant un "acte de justice
fondamental" après des décennies de répression, mais aussi un "moment de
risque et d'incertitude" pour le Moyen-Orient.
L’armée américaine dont 900 soldats sont toujours déployés en Syrie a
fait savoir qu’elle avait bombardé des positions de Daech dans le centre
du pays. D’autres frappes ont été menées contre des dépôts d’armes et
des positions du régime par Israël où Benyamin
Netanyahou a ordonné dimanche à l’armée israélienne de prendre le
contrôle de la zone tampon du Golan, à la frontière avec la Syrie.
"La Russie et l’Iran sont actuellement affaiblis, l’une à cause de
l’Ukraine et d’une mauvaise économie, l’autre à cause d’Israël et de ses
succès au combat", a analysé de son côté Donald Trump. Pas encore à la
Maison-Blanche (il prendra ses fonctions le 20
janvier), mais déjà très actif sur le front diplomatique, le président
élu a multiplié dimanche les publications sur sa plateforme Truth
Social, à propos de la chute du régime syrien et de la guerre en
Ukraine. Il a appelé Kiev et Moscou à un "cessez-le-feu
immédiat", alors que Washington vient d’annoncer une nouvelle aide à
l'Ukraine, assurant que le président ukrainien "aimerait conclure un
accord", à la suite de sa rencontre impromptue à Paris samedi. "Nous
voulons tous que cette guerre se finisse aussi tôt
que possible et d'une manière juste", avait commenté pour sa part le
président ukrainien, avant de mettre en garde : "Cette guerre ne peut
pas se terminer simplement par un bout de papier et quelques signatures.
Il faut garantir la fiabilité de la paix et
ne pas fermer les yeux sur l'occupation" des territoires ukrainiens.
La Russie, pour sa part, a demandé une réunion d'urgence du Conseil de
sécurité de l'ONU pour ce lundi. Lors d'un point presse tenu ce lundi 9
décembre depuis Moscou, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a
reconnu avoir été "surpris" par l'offensive éclair
des rebelles en Syrie et a jugé "nécessaire" de discuter avec les
futures autorités syriennes sur un éventuel maintien de la base navale
russe à Tartous ainsi que d'un aérodrome militaire russe à Hmeimim.
Les experts :
- Frédéric ENCEL - Docteur en géopolitique, maître de conférences à Sciences Po Paris, auteur de Les voies de la puissance, chez Odile Jacob
- WASSIM NASR - Journaliste spécialiste des mouvements djihadistes à France 24
Chercheur au Soufan Center de New York, auteur de L’État islamique, le fait accompli, publié chez Plon
- Elsa VIDAL - Rédactrice en chef de la rédaction en langue russe de RFI, autrice de La fascination russe”, publié chez Robert Laffont
- Ariane BONZON - Journaliste au Monde diplomatique et pour Slate.fr, ancienne correspondante à Jérusalem et Istanbul- Hélène KOHL ( en duplex) -
Correspondante en Allemagne, « Le Podkast », 1er podcast en français sur l’Allemagne