C dans l'air
Info Magazine d'information 30/03/2025 à 22h26 1h05min 13 vuesLa cour d’appel de Paris va se dépêcher et Marine Le Pen va avoir droit à
des délais plus courts que la moyenne pour être rejugée puisqu’elle
envisage un nouveau procès dès l’an prochain avec "une décision à l’été
2026", soit bien avant
la présidentielle de 2027. "C’est une très bonne nouvelle" a réagi la
cheffe de file des députés RN au lendemain de sa condamnation pour
détournement de fonds publics à 4 ans de prison, dont 2 ferme sous
bracelet électronique, 100 000 euros d’amende et cinq
ans d’inéligibilité avec application immédiate, dans l’affaire des
assistants parlementaires du Front national (devenu Rassemblement
national).Un peu plus tôt, lors d’une session de questions au gouvernement à
l’Assemblée nationale, le ministre de la Justice avait fait savoir qu’il
souhaitait "personnellement" que le procès en appel de Marine Le Pen,
soit organisé dans le délai "le plus raisonnable
possible". "Il appartiendra à la cour d’appel de Paris, parfaitement
indépendante dans son organisation, de fixer la date de cet appel",
avait ajouté Gérald Darmanin. De son côté le Premier ministre a fait
part de ses "interrogations" quant à l’application
immédiate de l’inéligibilité à laquelle Marine Le Pen a été condamnée.
"Il se trouve que le seul point de l’exécution provisoire fait que des
décisions lourdes et graves ne sont pas susceptibles de recours", a
affirmé François Bayrou, disant toutefois ne "pas
avoir le droit" de critiquer une décision de justice et soutenir, de
manière "inconditionnelle", les magistrats. Il a aussi considéré qu’une
"réflexion" devait "être conduite" par les parlementaires à propos de
cette exécution provisoire de l’inéligibilité.S’engageant dans la même voie, le député Eric Ciotti (Union des
droites), allié du Rassemblement national depuis les dernières
législatives, a annoncé que son groupe présentera, lors de sa niche
parlementaire de juin, une proposition de loi pour supprimer l’exécution
provisoire des peines d’inéligibilité, qui installe, selon lui, une
"peine de mort politique". "La loi à partir de laquelle les juges ont
pris leur décision a été votée par le Parlement" et "c’est le Parlement
qui décidera si, oui ou non, il convient de toucher
à l’écriture de la loi", lui a répondu François Bayrou. De son côté,
Marine Le Pen a réagi à cette annonce dans un entretien accordé au
Parisien, indiquant avoir un faible "espoir". "Si on écoute leurs
propos récents, il y a toute une série de groupes qui devraient le
voter. Maintenant, il peut y avoir beaucoup d’absents…", a-t-elle
souligné annonçant dans le même temps qu'elle allait
saisir en référé la Cour européenne des droits de l'homme.
Parallèlement, le président du RN Jordan Bardella a appelé les militants
et sympathisants à se rendre à Paris dimanche prochain pour manifester.
Mais contre qui ? Contre quoi ? Après deux jours d’attaques contre la "tyrannie des juges" dans la
foulée de la condamnation de Marine Le Pen et du RN, Emmanuel Macron est
sorti de son silence ce mercredi 2 avril. Se posant en "garant des
institutions", il a notamment "rappelé", en Conseil
des ministres, "que l’autorité judiciaire est indépendante" et "que les
magistrats doivent être protégés et ont le droit d’être respectés".Des magistrats qui s'inquiètent des attaques répétées contre la justice,
et observent une dérive en France comme dans d’autres pays. Dans les
colonnes du
Monde, le professeur de droit constitutionnel Dominique Rousseau
soulignait il y a quelques jours la gravité de l’époque : "Nous sommes
dans un moment historique où il y a une tension entre deux formes d’Etat
: l’Etat de droit, où être élu par le peuple
ne suffit pas ; l’Etat brutal, comme on le voit avec Trump, où
l’élection est censée donner tous les droits". Et la France n’est pas à
l’abri alertent des hauts magistrats du Conseil d’Etat et de la Cour de
cassation.Les déclarations les plus frappantes, ces derniers mois, sont notamment
venues du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau : "L’Etat de droit,
ça n’est pas intangible, ni sacré", a déclaré l’ancien sénateur LR de
Vendée, dans un entretien au
Journal du dimanche (JDD), à l’automne 2024. "L’Etat de droit a
été dévoyé au point que la règle de droit ne protège plus la société
française mais désarme l’Etat régalien. Quand une règle ne protège plus
les Français, il faut en changer", a insisté
le ministre en février, toujours dans Le JDD. Une position
partagée par Laurent Wauquiez qui avait dénoncé un "coup d’État de
droit" après la large censure du Conseil constitutionnel de la loi
immigration. Il a également indiqué lorsqu’il présidait
la région Auvergne-Rhône-Alpes qu’elle ne respecterait le dispositif de
la loi "climat et résilience" sur la non-artificialisation des sols,
avant finalement de faire machine arrière. Le président du groupe LR à
l’Assemblée nationale appelle par ailleurs depuis
plusieurs semaines à dissoudre l’ Office français de la biodiversité
(OFB), après avoir décrit ses agents comme "une coalition d’idéologues".
Lors d'une audition devant la commission du développement durable de
l'Assemblée nationale, le directeur général de
l'OFB, Olivier Thibault, avait rappelé en janvier dernier, que ses
agents avaient pour mission (entre autres) d'assurer la police de
l'environnement. "Il s'agit de faire appliquer la législation que vous
avez vous-même validée, au nom de notre cadre de vie",
a-t-il expliqué aux députés. "Des gens me disent que le droit de
l'environnement n'est pas aussi important que le 'vrai droit'. C'est
choquant !"
Les experts :- Benjamin MOREL - constitutionnaliste, maître de conférences en droit public à l’université Paris 2 Panthéon-Assas, auteur de "Le nouveau régime ou l’impossible parlementarisme", publié aux éditions Passés composés - Nathalie SCHUCK - grand reporter pour le magazine Le Point - Nathalie MAURET - reporter politique pour le groupe de presse régionale Ebra - Bernard SANANÈS - Politologue, président du cabinet d’études et de conseil Elabe